“Un pays qui s’endort ?”

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Déclaration du bureau national du POI (13 juin 2015)—

« Comment réveiller un pays qui s’endort ? » La question posée en forme d’avertissement vient du journal du patronat Les Echos. Paraphrasant, le 12 juin 2015, la célèbre formule : « La France s’ennuie », utilisée par son confrère Le Monde… à la veille du surgissement de la grève générale de mai 1968, l’éditorialiste des Echos s’interroge d’une manière faussement naïve. Comme s’il croyait que ce pays s’endormait.

« Il y a dix ans, poursuit-il en manifestant de l’inquiétude, le vol Poitiers-Berlin n’aurait probablement pas suscité le moindre commentaire. C’était une autre époque. Avant le “rejet”, avant la “défiance”, avant ces mots qui deviennent abstention ou bulletin FN dès qu’il s’agit de voter, ou bien chaises vides dans les congrès des partis. Jamais le décalage entre les politiques et leurs mandants n’a paru aussi grand que lors des deux congrès, des Républicains et du PS, qui viennent de se tenir. Une succession de discours que personne n’écoute, deux machineries tournant à vide, déconnectées. Un spectacle sans spectateurs. Et à la clef, une chute de popularité pour 39 des 50 responsables testés dans le dernier baromètre Ifop-“Paris Match”, touchant toutes les têtes d’affiche.

Gouverner dans ces conditions n’offre guère de marges de manœuvre. »

Valls, privé de « marges de manœuvre » — s’il faut en croire l’organe patronal — a décidé de mettre à profit le climat de lynchage entretenu par le FMI, l’Union européenne et la BCE contre la Grèce et son peuple pour accélérer la mise en œuvre en France des « réformes » exigées par l’Union européenne et le capital financier. Il a décidé de prendre de front la résistance grandissante des travailleurs et de toutes les couches de la population de ce pays, et de passer en force en faisant « adopter » la loi Macron à coup de 49-3.

Non content de s’attaquer au Code du travail, à la privatisation de tous les services publics, aux fondements des systèmes de santé et d’instruction publique, au statut des fonctionnaires territoriaux, il porte le fer, cette fois, contre ce qui subsiste de l’architecture républicaine de ce pays, avec la loi NOTRe.

Les représentants les plus qualifiés du patronat, qui en exigent toujours plus et le manifestent en toutes occasions, s’inquiètent néanmoins du franchissement de la ligne rouge au-delà de laquelle le très fragile « équilibre » sur lequel repose la capacité de gouverner ce pays serait rompu.

Ils peuvent dire ce qu’ils veulent, ils savent ce que signifie la manifestation des 15 000 personnels de l’AP-HP, avec leurs syndicats, en direction de l’Elysée, pour exiger du pouvoir qu’il retire le plan Hirsch.

Ils ont beau avoir fait recevoir cette manifestation à coups de gaz lacrymogène, ils savent ce que signifie la décision de ces personnels de faire grève et de manifester pour la troisième fois en moins d’un mois, comme l’ultimatum adressé au pouvoir par l’intersyndicale. Ils n’ignorent pas l’immense écho que rencontre d’ores et déjà le mouvement des personnels hospitaliers au sein de la population française, et ils mesurent le risque que prend le pouvoir en opposant un brutal refus de céder à ce qui s’annonce comme un véritable soulèvement.

Quant à la grève des enseignants du secondaire, ils peuvent spéculer sur l’approche des examens et des congés d’été pour espérer « éteindre » la révolte de ces milliers de professeurs, qui viennent — surmontant les divisions et les attitudes équivoques de certaines de leurs directions —, eux aussi, de faire grève pour la deuxième fois ce 11 juin. Le gouvernement et les représentants du capital savent que le mouvement qui dresse les enseignants contre la réforme du collège ne peut que se poursuivre et s’approfondir, gagnant à leur cause l’immense majorité des parents d’élèves.

Jusqu’aux élus (maires et conseillers municipaux) qui se révoltent, multiplient les délégations aux préfectures et s’apprêtent, pour un certain nombre, à répondre à l’appel à manifester lancé par l’Association des maires ruraux de France (AMRF) le 24 juin contre la réforme territoriale.

L’organe du patronat a raison de s’inquiéter, nous arrivons à un tournant de la situation politique dans ce pays. Un tournant dans lequel s’inscrit l’assemblée-débat qui a rassemblé plus de mille militants et cadres ouvriers, élus et démocrates de toutes origines politiques, le 6 juin dernier, à l’invitation d’Informations ouvrières, tribune libre de la lutte des classes et journal du POI, et dont un premier compte rendu est publié dans le numéro de ce journal paru le 10 juin.

« Chacun d’entre nous avons notre propre histoire — rappelait dans son intervention l’orateur chargé d’introduire le débat. Pour ce qui me concerne, je n’ai jamais caché mes appartenances syndicales, je suis militant de la CGT-FO, mes appartenances politiques, je suis militant trotskyste de longue date et je suis militant du POI, toujours dans le respect de l’indépendance réciproque entre partis et syndicats. Nous sommes tous confrontés à une même politique, donc la question est posée : comment combattre ensemble ? Comment faire en sorte que nos organisations, notamment au plan syndical, jouent le rôle pour lequel elles ont été construites ? Comment organiser, en un mot, la résistance ? Quelles solutions ? (…)

En face, il y a ceux qui collaborent. Il n’y pas la guerre, fort heureusement, mais lorsque l’on se fait le complice de tous les plans décidés par la “troïka”, lorsqu’on se fait l’intermédiaire du patronat, du gouvernement, pour liquider l’ensemble de nos conquêtes sociales, ça n’a pas d’autres qualificatifs que celui de collaborateurs (…). Il faut lever les ambiguïtés. » Comme celles qui sont contenues dans l’appel de sept syndicats pour tenter de restaurer le « syndicalisme rassemblé » avec leur appel au « Vivre ensemble ».

Dans ce débat, la modification en train de s’opérer dans la situation politique était palpable. Ce que soulignait l’orateur chargé de conclure les travaux de cette assemblée.
« Depuis le 9 avril, on sent que les choses commencent à monter », concluait-il, pour appeler à « tout mettre en œuvre pour que le 11 juin, dans les collèges, dans les hôpitaux, la grève soit la plus considérable pour faire reculer le gouvernement.
C’est vrai, ce gouvernement, prend des baffes aux élections, et ils continuent leur politique.
La grève est un succès, ils n’en tiennent pas compte. Comment les faire reculer ? On ne pourra pas faire autrement, dans les discussions que nous allons multiplier, multiplier, que de poser, à un moment ou un autre, le problème de la grève générale. Nous devons aussi poser le problème du contrôle, du comité de grève, différents camarades l’ont évoqué à cette tribune. Si nous voulons tenir, il faut associer l’ensemble des travailleurs au mouvement, par des comités de grève. Se trouvera aussi posé le problème de la coordination, voire de la centralisation de ces comités de grève, je ne sais à quel moment. C’est dans ce cadre-là, camarades, que peut se poser le problème du gouvernement au service des travailleurs et de la population, et que se pose également la question d’une représentation politique pour les travailleurs. (…) Ceux qui essaient de nous entraîner sur une voie électorale, 2017, nous mènent en bateau. Qui pourrait imaginer qu’il suffirait de bien voter en 2017 pour bien régler les problèmes ? Et attendant, que se passe-t-il ? J’appelle à renforcer les liens constitués entre nous, à multiplier les contacts, les réunions, sans a priori, dans les localités, les entreprises. »

Le rédacteur en chef d’Informations ouvrières a invité, quant à lui, à tenir, sous l’égide du journal, des assemblées dans tous les départements et à élargir la diffusion du journal.

Il a annoncé la sortie prochaine d’un numéro spécial, qui fera le compte rendu intégral de l’assemblée-débat. Il a indiqué que les « tribunes », expression de ce débat, continueront de paraître dans Informations ouvrières chaque semaine.

Il a annoncé enfin que les numéros d’été du journal, auquel il invitait à s’abonner, comprendront chaque semaine un dossier spécial sur les conquêtes sociales arrachées en 1945, et sur la réalité de la situation cette année-là.

téléchargerC’est dans le cadre de cette bataille politique, conscient de ses responsabilités, que le bureau national du POI, réuni le 13 juin, appelle les adhérents du parti à intervenir pour réussir les assemblées de leurs comités locaux du POI, préparatoires au Ve Congrès « ouvert » (21-22 novembre 2015) et invite les militants et responsables rencontrés dans l’organisation du débat initié par la rédaction d’Informations ouvrières, à participer — s’ils y sont intéressés — à la préparation de ce congrès et à adhérer au POI. Le parti qui — combattant pour aider la classe ouvrière à centraliser sa force pour défaire ce gouvernement — combat pour poser, comme le dira un orateur lors de cette assemblée du 6 juin, « dans le même mouvement la question d’un vrai gouvernement à nous, d’un gouvernement pour le peuple, pour les revendications, qui ne pourra s’appuyer que sur les comités de grève et sur la résistance de la classe ouvrière, et qui sera seul à même de rompre avec l’Union européenne ».

Paris, le 13 juin 2015

Catégories : Communiqué du POI, France, POI national

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