L’EDITO d’INFORMATIONS OUVRIERES
par Daniel Gluckstein,
Secrétaire national du POI.
A peine investi président le 15 mai, François Hollande s’envolera pour Berlin. A l’ordre du jour : le traité TSCG, pour lequel Hollande propose une « renégociation » que Merkel rejette catégoriquement. Selon l’AFP « la clé d’un possible compromis est probablement sémantique : François Hollande a expliqué pendant sa campagne que la “renégociation” du traité visait à le “compléter” avec un volet “croissance”. Or Berlin comme les institutions européennes se montrent ouverts à la mise au point d’un “pacte de croissance”, pourvu qu’on ne touche pas “au pacte budgétaire” » (1).
Tout serait donc affaire de sémantique, c’est-à-dire du sens que l’on attribue aux mots. Exemple : le mot « croissance ». Dans la bouche de M. Draghi de la BCE, de Mme Lagarde du FMI, ou du Medef, il signifie ceci : il faut alléger les charges qui pèsent sur les patrons pour relancer la machine économique ; pour cela, il faut tailler dans les régimes de Sécurité sociale et de retraites et dans les dépenses publiques, casser les garanties ouvrières collectives (conventions collectives, statuts), généraliser les accords compétitivité-emploi, aggraver dans tous les domaines précarité, mobilité et flexibilité des travailleurs. Et lorsqu’on objecte à ces honorables institutions qu’une telle politique d’austérité réduit brutalement le pouvoir d’achat des salariés (donc leur capacité de consommation), ils répondent que la déréglementation d’aujourd’hui fera la croissance de demain. Trêve d’hypocrisie : ce dont il est question ici, c’est de croissance des profits et de surexploitation. Assurément, un tel « pacte de croissance » serait compatible avec « SuperMaastricht ».
Mais que signifie « croissance » pour l’ouvrier, l’employé, le jeune, le chômeur, tous ceux qui viennent d’exprimer leur rejet des politiques destructrices appliquées depuis vingt ans par les gouvernements de toutes couleurs politiques ? Que signifie ce mot, sinon travail et pouvoir d’achat ? Autrement dit : la création des emplois sous statut nécessaires dans les écoles, les hôpitaux et l’ensemble des services publics, l’arrêt de la RGPP ; la création d’emplois en CDI et l’interdiction des licenciements dans le privé ; et, bien sûr, l’augmentation générale des salaires. Cette croissance-là, qui relance la machine économique par l’augmentation du pouvoir d’achat et la garantie d’un vrai travail et d’un vrai salaire pour chacun, est incompatible avec un traité qui fait de l’austérité une obligation constitutionnelle et prétend, dès 2013, couper 80 milliards d’euros dans les dépenses de la nation.
La sémantique doit être laissée à ceux qui jouent avec les mots. Mais on ne peut jouer avec la vie et les aspirations profondes de l’immense majorité des travailleurs et des jeunes qui ont dit leur rejet de la politique maastrichtienne.
Il faut en donner acte à Mme Merkel : ce traité n’est ni négociable ni amendable. A qui prétend défendre ou représenter les intérêts de la population laborieuse et de la jeunesse, il ne reste qu’une possibilité : dire en toute clarté que ce traité ne doit pas être ratifié. Réaliser l’unité de toutes les forces ouvrières et démocratiques pour mettre en échec la ratification du traité : telle est la tâche centrale de l’heure.
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(1) Président de l’Eurogroupe, M. Juncker a déclaré à Hollande le 7 mai : « Il ne sera pas possible de modifier la substance du pacte budgétaire, il n’y aura pas de nouvelle négociation possible (…). Mais il est possible d’y ajouter des éléments de croissance, pas nécessairement sous la forme d’un traité » (Reuters).