Tunisie: la révolution en marche - 2

Extraits d’Informations ouvrières n°133 du 27 janvier 2011


Tunisie: l’appel des comités à chasser le régime et pour une Assemblée constituante !

Non, la révolution en Tunisie n’est pas une affaire de « jasmin », comme le dit la « grande presse ». Elle est l’œuvre d’ouvriers, d’ouvriers agricoles, de jeunes, de précaires, de fonctionnaires,de chômeurs,de tout un peuple exploité et opprimé.

Ben Ali est tombé,mais c’est tout le régime du RCD, le parti de Ben Ali, qui doit partir. «Dissolution du RCD! », ne cessent de scander les manifestants.
Dans de nombreuses villes, de nombreux quartiers, les comités qui s’étaient constitués pour se défendre contre les exactions s’élargissent en nombre et en compétences, commençant à prendre en charge les tâches qui relevaient hier de la municipalité .Dans des villes comme Kasserine, le maire, les hauts fonctionnaires, la police, qui étaient tous inféodés au RCD et avaient écrasé la population, ont fui. C’est le comité de la ville qui s’est substitué à leur pouvoir. Dans ce mouvement, du fait même de leur expérience et de leurs traditions, de nombreux militants et responsables locaux de l’UGTT sont dans les comités.

Il est normal que le seul journal qui informe sur l’action de ces comités, sur les appels qui en sont issus, soit Informations ouvrières, qui a pour sous-titre : « L’émancipation des travailleurs sera l’oeuvre des travailleurs eux mêmes.» Non, la révolution en Tunisie, ce n’est pas une affaire de « jasmin » : c’est l’affaire de la lutte émancipatrice d’un peuple. C’est pourquoi,nous le répétons encore une fois : «Gouvernements français et américain,FMI,Union européenne, bas les pattes devant la révolution en Tunisie ! »

Lucien Gauthier


Le film des événements

Avec nos correspondants

Les manifestations, les grèves et les appels de comités de défense de la révolution se succèdent pour obtenir le départ du gouvernement « d’union nationale ». Après la chute de Ben Ali, avec l’appui des grandes puissances, un gouvernement avec à sa tête Ghannouchi, ancien Premier ministre de Ben Ali (et ancien directeur de programme à la Banque mondiale), a été formé, comprenant plusieurs anciens ministres de Ben Ali,des représentants des trois partis « d’opposition » légaux sous la dictature de Ben Ali et quelques personnalités fraîchement revenues de leur exil français.

“Dehors le gouvernement ! Dehors le RCD !”

Le lundi 25 janvier, le gouvernement avait décrété que les écoles primaires devaient rouvrir afin de « normaliser » la situation. La fédération syndicale de l’enseignement primaire de la centrale syndicale historique, l’UGTT, avait appelé les instituteurs à la grève générale, grève suivie à 90 %. Le ministre de l’Enseignement, A. Ibrahim(Ettajdid, l’ancien Parti communiste « rénové », parti légal sous la dictature de Ben Ali), a appelé les enseignants à renoncer « à cette grève irresponsable ».

Mercredi, c’est au tour du second degré de devoir faire sa rentrée.
Le syndicat a également déposé un appel à la grève. Le motif en est simple. L’UGTT ne reconnaît pas ce gouvernement, elle demande son départ. Dans de nombreuses villes, les comités de défense de la révolution, qui intègrent les responsables de l’UGTT, exigent la même chose. Cette dernière semaine, ces comités ont élargi leur mission.
Ils se dressent contre le pouvoir et l’administration RCD, à qui ils contestent l’organisation du pays.

“On est là pour finir une mission”

Samedi 23 janvier, par centaines et centaines, venus en camion, en voiture et par bien d’autres moyens, à l’appel des comités des villes de Kasserine, de Siliana, de Sidi Bouzid, de Regueb et d’autres villes du centre du pays, ils sont montés sur Tunis dans une « caravane de la révolution ». Ils se sont installés devant la Kasbah, le siège du gouvernement à Tunis, pour exiger le départ du gouvernement. Ils ont accroché aux grilles du bâtiment une banderole où l’on peut lire : « Le peuple veut faire tomber le gouvernement.» Ils scandent : « Dissolution du RCD ! », « Dégage, le gouvernement ! », « Dehors Ghannouchi ! », « Dehors l’Américain ! » (en référence à sa fonction à la Banque mondiale). Les manifestants sont présents jour et nuit ; ils n’entendent pas partir avant que ce gouvernement ne soit tombé. Ils viennent de régions désertifiées industriellement, de régions rurales où ils ont dû travailler pour les grandes familles régnantes, comme du temps de la colonisation. Ils ne veulent pas s’arrêter en chemin. Ils veulent aller jusqu’au bout, en finir avec le régime du RCD, reprendre les biens qui ont été volés, ils veulent que les richesses de la Tunisie soient la propriété du peuple.

Des jeunes, des travailleurs, des habitants de Tunis leur apportent des couvertures et à manger, et participent à leur action. Un jeune explique : « On est là pour finir une mission : faire tomber le gouvernement. »

“Transition démocratique” ou révolution ?

Lundi 24 janvier, Rachid Ammar, le chef d’état major de l’armée de terre, est descendu voir les manifestants.

Il leur a affirmé que « l’armée nationale se porte garante de la révolution », tout en leur demandant de quitter la place et de rentrer dans leurs villes et leurs villages.
Malgré le respect des manifestants pour l’armée, ils ne sont pas partis. Ils ne veulent pas partir. Surtout que, ce même jour, on annonce un nouveau remaniement du gouvernement, un nouveau replâtrage, pour maintenir en place l’ancien système du RCD. Une nouvelle proposition a encore surgi, celle d’un comité de suivi du gouvernement composé de personnalités indépendantes. « Pourquoi un comité de suivi ? C’est un aveu ! Ils n’ont qu’à partir tout de suite ! », dit l’un des manifestants.
Le responsable du parti Ettajdid justifie « la transition démocratique » et la « nécessité d’un gouvernement de coalition ».

Les gouvernements de l’Union européenne, mais aussi Sarkozy et l’administration Obama ont apporté leur soutien à ce processus dit de « transition démocratique ». Dans un long article du journal américain The New York Times, il est raconté ce qui a amené l’UGTT à dénoncer ce gouvernement et à appeler les ministres qui étaient membres de ce syndicat à démissionner du gouvernement, ce qu’ils ont fait. La commission administrative de l’UGTT, dans une résolution, exige « la dissolution du RCD, le refus de toute intervention étrangère dans les affaires de notre peuple, car seul il a pu faire tomber un président qui a fait réprimer le peuple ; le peuple doit donc décider de son sort sans ingérence extérieure ».

Election présidentielle ou Assemblée constituante ?

Mardi 25 janvier : dans les villes de Gafsa, Monastir et Sousse, les locaux syndicaux de l’UGTT ont été attaqués et détruits. Ce même jour, à Tunis, avenue Bourguiba (les Champs- Elysées de Tunis), à l’appel du parti Ettajdid, du PPD, du mouvement du Destour et du RCD, partis qui sont au gouvernement, une tentative de contre-manifestation en soutien au gouvernement (l’UGTT est visée. Une banderole dénonce les grèves :

« UGTT, remets-toi au travail ! ») et protégée par la police, a échoué grâce à la mobilisation de ceux qui étaient rassemblés devant le siège du gouvernement.
Le matin même, plusieurs « opposants », notamment ceux revenus de France et dont certains se sont déjà déclarés candidats à l’élection présidentielle, sont venus voir la masse rassemblée devant le siège du gouvernement. Ils ont été éconduits fermement.
L’un des participants explique : « On ne veut pas de récupération. On ne veut pas qu’on récupère notre révolution. On veut chasser le gouvernement. On n’est pas là pour soutenir un candidat à l’élection présidentielle qui prendra la tête d’un régime rénové. On veut la chute de ce régime. On veut une Assemblée constituante pour un nouveau Destour (Constitution). »

“Expropriation !”

Cette exigence d’une Assemblée constituante, c’est la volonté du peuple tunisien de décider lui même de son avenir, sans ingérence des gouvernements impérialistes, de l’Union européenne ou du FMI, qui ont détruit le pays avec le régime du RCD.
Dans la deuxième ville du pays, à Sfax, le directeur régional des Finances a été chassé par les employés.
C’était un des responsables du RCD liés au régime.

Dans de nombreuses villes, les directeurs des Finances sont ainsi expulsés. C’est également le cas dans les Impôts. On a vu dans les cortèges apparaître de nombreux policiers qui sont venus s’excuser auprès de la population et s’adresser à l’UGTT pour qu’elle les organise syndicalement. A la société de transport d’El Materi (l’une des familles du régime), les employés demandent la nationalisation.
Ceux de la banque Zitouna, propriété de la même famille El Materi, demandent la récupération par l’Etat de la banque. Le gouvernement a répondu que la Banque centrale allait s’en occuper… Les employés ont répondu : « Nous n’allons pas attendre. Nous le faisons nous-mêmes ! » Et ils ont chassé le directeur.

“Ces terres sont à nous !”

A la compagnie aérienne Tunis Air, qui a été éclatée par le régime Ben Ali en plusieurs sociétés sous le contrôle de ses proches, les employés exigent aujourd’hui le retour à l’unité de Tunis Air dans une compagnie nationale publique. L’UGTT a demandé la nationalisation des biens volés par les mafias au pouvoir, c’est-à-dire la nationalisation d’une large part de l’économie nationale.

Dans l’office agricole de Medjerda, démantelé par les familles régnantes pour s’approprier les terres, les ouvriers agricoles se révoltent et disent : « Ces terres sont à nous. » Ce pays est à eux, il n’est ni à l’impérialisme ni à ses valets corrompus. C’est pour récupérer ce pays que le peuple fait une révolution. Le mouvement est ample, il vient d’en bas, des profondeurs des masses ouvrières et paysannes. C’est un spectre qui hante les sommets politiques et économiques de ce monde.


Témoignage “La défense de la révolution passe par l’exclusion du RCD, sa dissolution et le retour au peuple de tous les biens volés”

Interview de Fathi *,habitant de la ville de Kasserine (réalisée le 21 janvier 2011).

Peux-tu nous décrire la situation dans la ville aujourd’hui, qui est l’une des premières à avoir engagé le combat pour chasser Ben Ali et en finir avec ce régime ?

Tout d’abord, ce qui nous a marqués le plus ici, c’est le nombre très élevé de victimes par balles. Il y en a eu plus de cinquante. La police tirait à bout portant à la tête ou dans le coeur. Mais toute la population a résisté avec des pierres et des bâtons. Des flics ont été tués et blessés et, à un moment, l’armée s’est interposée. Nous les avons accueillis avec joie. La même chose s’est passée dans plusieurs villes, comme à Régueb. C’est après cela que Ben Ali a limogé l’état-major. Après le retrait des forces spéciales, la ville a pu tourner et fonctionner sans la présence de l’appareil de l’Etat, qui s’était également enfui. A Kasserine, on est en situation de grève générale ouverte permanente depuis quinze jours et ce sont les militants de l’UGTT qui ont permis la constitution d’un comité, qui a, en fait, un caractère régional et qui prend des décisions pour pallier l’absence de l’administration. Les syndicalistes encadrent la population, mais sans chercher à l’orienter, et ce comité local est en quelque sorte un comité de grève qui prend des décisions.

Ce qui est sûr, c’est qu’on ne veut plus du RCD, on ne veut plus voir ces têtes. Ce qui est le plus fort, c’est la très grande solidarité qui existe ici.
Pendant les jours les plus durs, les boulangeries distribuaient le pain gratuitement et nous étions tous dans la rue pour chasser la police de Ben Ali.

Comment vivez-vous le retour des “opposants” au régime ? Appeler aujourd’hui à une élection présidentielle ne s’oppose-t-il pas au mot d’ordre d’Assemblée constituante ?

Il y a une très grande défiance dans la population vis-à-vis de tous les partis.
On ne veut pas être récupérés par quelqu’un qui en profitera pour sa carrière.
C’est pour cela que la visite de Moncef Marzouki (opposant à Ben Ali de retour d’exil en France—NDLR) n’a pas été appréciée par la population. Son passage a été mis en scène avec des islamistes.
Il est venu voir Kasserine et est reparti aussitôt parce que nous refusons les récupérations politiques. Pourquoi faudrait-il un président ? Pour refaire la même chose,mais avec plus de démocratie ? A Kasserine, notre comité réclame l’Assemblée constituante parce que c’est par là que le peuple pourra garder le contrôle sur la révolution.

Et maintenant, quelles sont les attentes de la population ?

Une marche de Kasserine se dirige vers Tunis avec tous les comités de Tunisie.
La défense de la révolution passe par l’exclusion du RCD, sa dissolution et le retour au peuple de tous les biens volés.
Lorsque l’appel du comité de Kasserine a été adopté, dans la rue, on s’est tous jetés sur les tracts, au point que la circulation s’est arrêtée. Tout le monde voulait sa copie du tract. En vingt-trois ans, on n’a jamais autant parlé politique.
Pas un Tunisien n’acceptera un retour en arrière.


Documents : Deux déclarations de comités de ville de l’intérieur du pays : Kasserine et Siliana

Déclaration du comité régional républicain de protection et d’encadrement de la révolution de Kasserine (extrait)

Le sang des martyrs a coulé sur le sol de la patrie dans différentes régions, et particulièrement dans la région de Kasserine, qui a vu tomber la moitié des martyrs de la nation. Nous rappelons que les ennemis de toute révolution sont à l’intérieur et à l’extérieur. Ils tentent, foulant le sang de nos martyrs, de confisquer la révolution de notre peuple en fabriquant un nouveau régime à partir de la coalition de toutes les forces de l’ancien régime pour s’accaparer toutes les réalisations de notre peuple et continuer à servir l’impérialisme, le sionisme et la réaction arabe. Nous affirmons qu’il est impératif de se dresser contre toutes les manœuvres qui cherchent à porter atteinte aux aspirations de notre peuple à la liberté.

C’est pourquoi la jeunesse combattante, celle qui a été la flamme de cette révolution, et des composantes de la société civile ont mis en place un comité républicain de protection et d’encadrement de la révolution. Le comité agit pour :
- Faire reconnaître les droits moraux et matériels de nos martyrs et pour honorer leur mémoire en révélant leurs noms, jugeant leurs assassins, et en donnant leurs noms aux places et lieux publics.
- Défaire le parti qui gouverne et toutes ses structures, ses milices, geler ses avoirs et restituer au peuple tous les biens qu’il a volés ; ainsi que pour juger tous les responsables de la corruption politique, financière et administrative.
- Reconnaître aux régions démunies, et en particulier Kasserine, le droit au développement et la répartition équitable des richesses, par la création d’emplois.
- Combattre la propagande qui déforme et camoufle la réalité des faits dans toutes les régions, et en particulier la région de Kasserine, et tente de semer la haine en opposant les régions les unes aux autres.
- Mettre en place un gouvernement national de salut public, présidé par une personnalité nationale, indépendante et reconnue par tous pour son intégrité.
Ce gouvernement sera composé de personnes qui ne sont pas impliquées dans les orientations politiques, économiques et sociales du parti au pouvoir.
Le gouvernement doit veiller à l’élection d’une Assemblée constituante pour l’adoption d’un nouveau Destour (Constitution—NDLR) qui rompe avec l’ancien régime.

Vive la révolution du peuple tunisien !

Appel du comité départemental de Siliana pour la protection de la population (extrait)

Siliana, le 16 janvier 2011. Nous sommes conscients que la mobilisation de notre peuple constitue la référence pour les révolutionnaires et les hommes libres dans le monde arabe, et plus généralement dans le monde. Notre révolution est un point d’appui dans la lutte de tous les peuples contre la tyrannie et la corruption.
Nous appelons à la poursuite du combat et à faire obstacle aux complots qui se trament contre notre révolution, qui visent à profiter du sang de nosmartyrs.
Nous déclarons que nous refusons la nomination de M’bazaa, comme nous refusons le décret qui charge Ghannouchi de former un gouvernement d’union nationale, qui s’appuie sur une Constitution illégitime et une Assemblée non représentative.

Nous déclarons que toute union avec les assassins de notre peuple et les corrompus est un acte de sédition contre la révolution de notre peuple. Elle ne sera qu’une vaine tentative que le peuple mettra à bas. Nous appelons toutes les forces vives afin qu’elles prennent leur véritable place dans les rangs des citoyens et qu’elles prennent leurs responsabilités historique, politique et morale.

Vu le vide administratif dans la wilaya de Siliana, à la suite de la fuite de la majorité des responsables régionaux et locaux qui sont dans les rangs du RCD et qui seront appelés à rendre des comptes devant la justice, nous déclarons l’élection à main levée :
- d’une assemblée locale pour la protection de la révolution et la conduite des affaires,
- d’une assemblée régionale pour la protection de la révolution et la conduite des affaires, afin de diriger les affaires de la ville de Siliana et de sa wilaya, dans un cadre local et régional, et d’établir une coordination à l’échelle nationale jusqu’à l’adoption d’un nouveau Destour qui garantit les droits de toutes les sensibilités nationales et l’élection d’un Parlement représentatif populaire qui s’engage à établir les responsabilités et les attributions des assemblées élues, en consultation avec la base.

Vive la lutte de notre peuple dans la voie de la liberté et la dignité !


ENTRETIEN : M.Hacine El Abassi, secrétaire général adjoint de l’UGTT

“S’il apparaît qu’il n’y a pas d’autres moyens pour faire entendre raison au gouvernement Ghannouchi pour qu’il parte, alors nous appellerons à la grève générale”

Quelle est la position de l’UGTT dans la situation politique actuelle ?

Je vous rappelle que, le 18 janvier, l’UGTT a adopté une résolution qui dit que « le gouvernement de coalition ne correspond ni à nos idées, ni à nos exigences exprimées, ni non plus à l’aspiration du peuple et des travailleurs. Décide le retrait de nos représentants du gouvernement, la démission de nos syndicalistes élus à l’Assemblée nationale, à l’Assemblée du conseil, dans les conseils municipaux, et la suspension de la participation de l’UGTT au Conseil économique et social », et exige « la dissolution du RCD (…), le refus de toute intervention étrangère dans les affaires intérieures de notre peuple, car seul il a pu faire tomber un président qui a fait réprimer le peuple ; le peuple doit donc décider de son sort sans ingérence extérieure ».

La centrale demande également la « nationalisation » des biens du clan Ben Ali, c’est-à-dire la prise de contrôle par la République tunisienne d’une large part de l’économie. Dans cette voie, l’UGTT appelle « à une Assemblée constituante à travers des élections libres et démocratiques qui reflètent la volonté du peuple ».

C’est dans ce sens que le secrétaire général de l’UGTT et trois membres du bureau exécutif, dont je serai, recevra, demain (mardi 25 janvier — NDLR), les forces politiques qui veulent en finir avec le régime du RCD et son gouvernement afin d’examiner avec elles les conditions de la formation d’un gouvernement de salut public telle que la résolution adoptée par le conseil administratif de l’UGTT du 18 janvier l’a adoptée.

L’UGTT jouera son rôle de catalyseur afin qu’une solution conforme aux intérêts du peuple et de sa révolution soit trouvée.

Elle aidera à ce que les partis politiques d’opposition parviennent à former ce gouvernement de salut national, pour qu’il se pose comme l’alternative politique transitoire face à ce gouvernement du RCD rejeté par l’ensemble du peuple tunisien.

Le seul objectif que nous poursuivons est l’accomplissement des buts de notre révolution.

L’UGTT va jouer son rôle afin d’aider à rassembler et à unir toutes les forces politiques d’opposition dans cette direction. C’est sur cette base que nous pourrons faire obstacle à tous les ennemis intérieurs et extérieurs, qui ne peuvent tisser leur toile que dans la mesure où ils trouvent en notre propre sein ceux qui sont prêts à collaborer avec eux.

Quels sont les objectifs de la révolution tunisienne ?

Le développement économique, la démocratie, la justice sociale, une Constitution. La première étincelle qui indiquera que notre pays a changé de cap est le développement des régions de l’intérieur, régions qui ont été totalement abandonnées par le régime du RCD. Nous avions, au cours de l’année 2010, entrepris une étude économique dans la région de Sidi Bouzid et avons mis en garde le gouvernement contre le risque d’explosion sociale, compte tenu d’un taux de chômage alarmant et de l’absence totale de projet économique et de perspective d’emplois. Les projets n’étant implantés que sur le littoral.

De nombreuses études démontrent que la politique de privatisation conduite par le gouvernement Ben Ali depuis son accès au pouvoir est responsable de la destruction du tissu économique…

Je tiens à signaler qu’ils n’ont même pas su encadrer cette politique de privatisation.

Des travailleurs, dans de nombreux secteurs privatisés, exigent la renationalisation de leur entreprise. Je cite en exemple la société de transports publics, Tunis Air, etc.

Nous avions exigé, face à l’échec de la politique de privatisation, l’arrêt de ce processus, afin de voir si les entreprises privatisées ont continué à exister ou non. Nous avons toujours exigé l’arrêt des privatisations et la conservation de nos entreprises, comme entreprises publiques.

Aujourd’hui, nous demandons que toutes nos entreprises soient restituées à l’Etat, afin qu’elles servent l’objectif de développement et de l’emploi dans notre pays. Plus clairement, la restitution entre les mains de l’Etat de toutes les entreprises publiques privatisées est un impératif.

Le peuple français subit depuis de nombreuses années les méfaits de cette politique dictée par l’Union européenne (chômage, démantèlement des entreprises publiques, atteinte aux droits sociaux, etc.).

Nous sommes conscients de cette situation et savons ce qu’il en est des méfaits sociaux des privatisations en Europe aussi. D’ailleurs, dans chacune de nos batailles syndicales contre les privatisations, le gouvernement nous répondait : « Même l’Europe est obligée de privatiser. »

Le syndicat de l’enseignement fondamental appelle aujourd’hui (le 24 janvier) à une grève illimitée, qui est largement suivie d’après les échos que nous en avons. Mais face à la surdité du gouvernement Ghannouchi du RCD, que faire ?

Pour notre part, nous nous appuierons sur tous les moyens légaux pour faire entendre l’exigence du peuple tunisien : le départ du gouvernement Ghannouchi et la dissolution du RCD. Des grèves ont lieu dans de nombreux secteurs, des marches, des manifestations.

Mais s’il apparaît qu’il n’y a pas d’autres moyens pour faire entendre raison au gouvernement Ghannouchi pour qu’il parte, alors nous appellerons à la grève générale. Mais nous sentons bien que la pression de la rue et celle des travailleurs dans les entreprises, les administrations, les écoles, etc., est en train de l’ébranler.

Propos recueillis par M. B.

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