Ce que prépare le gouvernement Fillon
extrait d’informations ouvrières n°126 du 2 décembre 2010
Loi dite de représentativité syndicale Que contient concrètement la loi du 20 août 2008 ?
Pour le gouvernement Sarkozy-Fillon, elle est la “clé” d’un “changement du paysage syndical” devant engendrer un “nouveau réformisme social”.
Le 21 septembre dernier, une conférence était organisée par Denis Langlet et Jean-Pierre Vielle, syndicalistes de la métallurgie, sur la loi dite de représentativité syndicale. Lors de cette conférence, une juriste a exposé les aspects essentiels de cette loi.
La loi du 20 août 2008 comporte deux volets : un premier volet consacré à la représentativité syndicale et un second volet concernant le temps de travail. Mon exposé s’attachera à présenter uniquement les évolutions relatives à la représentativité syndicale.
La principale modification issue de cette loi réside dans la remise en cause de la présomption irréfragable de représentativité accordée aux cinq confédérations syndicales depuis un arrêté du 31 mars 1966.
En clair, auparavant, chaque syndicat affilié à l’une de ces confédérations était considéré comme représentatif quel que soit le niveau (branche, entreprise).
Il n’était pas possible d’apporter la preuve contraire.
Désormais, chaque organisation syndicale doit apporter la preuve de sa représentativité, et ce à chaque nouvelle échéance électorale. Et la représentativité acquise à un niveau ne vaut plus pour un autre. Exemple : un syndicat d’entreprise peut ne pas être représentatif alors que la fédération à laquelle il est rattaché est, elle, représentative.
Pour la mise en application de ces nouvelles dispositions, la loi a créé une période transitoire d’une durée de cinq ans à compter de la publication de la loi, afin que l’audience des syndicats puisse être mesurée selon les nouvelles règles. Ainsi, au niveau de l’établissement ou de l’entreprise, le syndicat représentatif à ce niveau le restera jusqu’au prononcé des résultats des premières élections professionnelles qui se déroulent après la publication de la loi.
J’envisagerai dans un premier temps la question de la représentativité syndicale dans l’entreprise et les prérogatives que cela confère, puis, dans un deuxième temps, je m’intéresserai aux nouvelles règles de validité des accords d’entreprise.
I. La représentativité dans l’entreprise Première partie : les critères de représentativité
• Ces critères sont définis à l’article L. 2121-1 du Code du travail.
Pour mémoire, l’ancienne rédaction prévoyait que, pour être représentatif, un syndicat devait réunir les critères suivants :
- les effectifs ;
- l’indépendance ;
- les cotisations ;
- l’expérience et l’ancienneté du syndicat ;
- l’attitude patriotique pendant la guerre.
Ces critères n’étaient pas cumulatifs.
Les nouveaux critères
• La nouvelle rédaction de l’article L. 2121-1 du Code du travail re - prend quatre des anciens critères et en ajoute trois nouveaux. Ces sept nouveaux critères sont désormais cumulatifs. Il s’agit :
- Du respect des valeurs républicaines, critère qui se substitue à celui de l’attitude patriotique pendant la guerre.
- De l’indépendance (vis-à-vis de l’employeur).
- De la transparence financière (critère à rapprocher des nouvelles obligations faites aux organisations syndicales quant à la certification et à la publication de leurs comptes).
- D’une ancienneté minimale de deux ans dans le champ professionnel et géographique couvrant le niveau de négociation.
- De l’audience, critère central.
- De l’influence, principalement caractérisée par l’activité et l’expérience.
- Des effectifs d’adhérents et des cotisations.
L’ancienneté
• Avant de s’intéresser plus particulièrement au critère de l’audience, je souhaiterais attirer votre attention sur un critère dont on parle moins, mais qui est tout aussi essentiel, celui de l’ancienneté.
L’ancienneté d’un syndicat s’apprécie à compter de la date du dépôt légal de ses statuts à la mairie.
Il est donc prudent de vérifier que les statuts du syndicat sont bien régulièrement déposés et mis à jour par la même occasion.
L’audience électorale
• Critère principal de cette réforme, l’audience électorale s’établit à partir des résultats aux élections professionnelles.
• Pour être représentatif, un syndicat doit obtenir au moins 10 % des suffrages exprimés (c’est-à dire sans compter les bulletins blancs ou nuls) au premier tour des dernières élections des membres titulaires au comité d’entreprise ou de la délégation unique du personnel, ou à défaut des délégués du personnel.
• Même si le quorum n’est pas atteint au premier tour, celui-ci doit malgré tout être dépouillé en vue de la mesure de l’audience.
• Dans le cas d’une société à établissements multiples en présence de comités d’établissement et d’un comité central d’entreprise, la représentativité au niveau de l’entreprise se calcule par addition des résultats obtenus par le syndicat au premier tour des élections de chaque comité d’établissement.
• Ainsi, un syndicat peut être représentatif dans un établissement sans être représentatif au niveau de l’entreprise.
Et, inversement, un syndicat représentatif au niveau de l’entreprise peut ne pas l’être dans chaque établissement.
• La représentativité est mesurée sur les résultats obtenus sur l’ensemble des collèges où le syndicat à vocation à présenter des candidats.
Par exemple, une organisation syndicale telle que Force ouvrière ou encore la CGT ont vodans tous les collèges (que ce soit le collège ouvrier ou cadre).
• Leur représentativité sera donc mesurée sur l’ensemble des suffrages exprimés sans considération des collèges, alors même qu’elles ne présentaient de candidats que dans le collège ouvrier.
• Les dispositions de la loi concernant les organisations syndicales catégorielles ne concernent à ce jour que la CFE-CGC, qui, elle, a vocation à représenter uniquement le personnel cadre.
• La mesure de l’audience a un double intérêt :
- déterminer les syndicats représentatifs dans l’entreprise ;
- mesurer le poids respectif de chaque organisation, ce qui est indispensable pour apprécier la validité des accords collectifs signés dans l’entreprise.
II eme partie: quelles prérogatives découlent des nouveaux critères pour les organisations syndicales ?
Cas d’un syndicat représentatif, c’est-à-dire qui a obtenu 10%au moins à la dernière élection
au comité d’entreprise Un syndicat représentatif dans l’entreprise et lui seul a la faculté de désigner un délégué syndical dans l’entreprise. La loi apporte une précision supplémentaire quant à la personne à désigner.
Il doit s’agir impérativement d’un candidat titulaire ou suppléant au premier tour des élections professionnelles (comité d’entreprise, délégation unique du personnel ou délégués du personnel, peu importe) ayant recueilli au moins 10 % des suffrages exprimés sur sa personne. Le délégué syndical ne peut donc plus être choisi librement parmi les salariés de l’entreprise.
Les anciennes conditions de désignation d’un délégué syndical (ancienneté minimale d’un an dans l’entreprise, âge minimum de 18 ans et pas de déchéance des droits civiques) sont toujours en vigueur.
Le Code du travail, dans sa nouvelle rédaction, précise que le mandat de délégué syndical cesse lorsque l’organisation syndicale qui l’a désigné n’est plus représentative ou lorsqu’il n’a pas recueilli aux élections suivantes 10 % des suffrages exprimés. Le mandat de délégué syndical est donc remis en cause à chaque nouvelle élection.
Cas d’un syndicat non représentatif, c’est-à-dire qui a obtenu moins de 10% à la dernière élection au comité d’entreprise
Le syndicat n’est donc pas représentatif dans l’entreprise.
Il ne pourra pas désigner de délégué syndical.
En revanche, la loi l’autorise à désigner un représentant de la section syndicale, un RSS.
Le Code du travail indique que le RSS bénéficie des mêmes prérogatives que le délégué syndical, à l’exception du pouvoir de négocier des accords collectifs. Rappelons la définition qui a été donnée du RSS dans le rapport établie par l’Assemblée nationale. Il s’agit « d’un dirigeant de section défendant un syndicat qui n’a pas encore prouvé sa représentativité.
Sa fonction sera de faire vivre la section syndicale afin que le syndicat obtienne les 10 % nécessaires aux élections professionnelles. »
Pour ce faire, le RSS bénéficie d’un crédit d’heures mensuelles de quatre heures.
Contrairement aux règles applicables à la désignation du délégué syndical, pour la désignation du RSS, l’organisation syndicale choisit librement la personne qui détiendra ce mandat. Un syndicat non représentatif ne peut désigner qu’un seul RSS. Cela n’est pas fonction de l’effectif, comme c’est le cas pour les délégués syndicaux.
Je voudrais apporter une petite précision sur un point à l’origine de beaucoup de confusion.
Le délégué syndical dont l’organisation n’est plus représentative à la suite des élections peut tout à fait être désigné RSS. Cela ne pose aucun problème. En revanche, aux prochaines élections (c’est-à dire les deuxièmes ayant lieu après la publication de la loi), le RSS dont le syndicat n’a pas obtenu les 10 % requis pour être représentatif ne pourra plus occuper ce mandat, et ce jusqu’aux six mois précédant les élections suivantes.
Le syndicat non représentatif devra désigner une autre personne.
Rapidement, quelques remarques concernant le représentant syndical au comité d’entreprise.
La loi est venue modifier les conditions de désignation du représentant syndical au comité d’entreprise dans les entreprises de plus de 300 salariés.
Désormais, pour désigner un représentant syndical au comité d’entreprise, le syndicat doit avoir des élus au comité d’entreprise, c’est-à-dire au moins deux élus, qu’ils soient titulaires ou suppléants. Le représentant syndical, contrairement au délégué syndical, n’a pas à être désigné parmi les candidats aux élections professionnelles. Il est choisi librement parmi le personnel de l’entreprise.
Son mandat prend fin si le syndicat qui l’a désigné perd ses élus au comité d’entreprise lors des prochaines élections.
Pour les entreprises de moins de 300 salariés, les règles demeurent inchangées. Le délégué syndical est toujours de droit représentant syndical.
IIIeme partie : la negociation dans l’entreprise
Pour ce qui est de la négociation dans l’entreprise, et notamment des nouvelles règles de validité des accords, j’aborderai dans un premier temps les accords collectifs d’entreprise de façon générale et, plus précisément, dans un deuxième temps, la question du protocole d’accord préélectoral et de sa validité.
Condition de validité des accords d’entreprise
Depuis la loi du 4 mai 2004, les conditions de validité des accords d’entreprise devaient normalement être fixées par une convention de branche ou un accord étendu.
Deux hypothèses étaient possibles :
- La première hypothèse était celle d’une majorité d’engagement, c’est-à-dire que, pour être valable, l’accord devait être signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés aux dernières élections au comité d’entreprise (titulaires et suppléants, à défaut de précisions). Si la condition de majorité n’était pas satisfaite, l’accord devait être soumis à l’approbation des salariés.
- La deuxième hypothèse était celle de la majorité d’opposition. Cela signifie que la validité de l’accord était soumise à l’absence d’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli au moins la moitié des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections professionnelles.
De ce fait, même un accord signé par un syndicat minoritaire pouvait être valable.
En l’absence de convention de branche, le principe de l’opposition majoritaire devait être retenu.
La loi du 20 août 2008 a également modifié ces règles en retenant un système hybride.
Désormais, un accord d’entreprise est valable si :
- il est signé par une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant obtenu plus de 30 % des suffrages exprimés au premier tour des dernières élections (première condition) ;
- et s’il ne fait pas l’objet de l’opposition d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives ayant recueilli plus de 50 % des suffrages exprimés à ces mêmes élections.
L’opposition doit être notifiée par écrit aux signataires de l’accord dans un délai de huit jours. Elle doit être motivée et préciser les points de désaccord.
Toutes ces nouvelles règles sont entrées en vigueur le 1er janvier 2009.
Les règles de dénonciation et de mise en cause des accords ont été aménagées en vue de tenir compte d’une éventuelle perte de représentativité d’une organisation syndicale.
Si une organisation syndicale signataire perd sa représentativité, la dénonciation d’un accord n’aura d’effet que si elle émane d’une ou plusieurs organisations syndicales représentatives dans le champ d’application de l’accord et ayant recueilli la majorité des suffrages.
Cependant, pour préserver la sécurité juridique, la perte de représentativité de l’ensemble des syndicats signataires n’entraîne pas la mise en cause de l’accord signé.
Condition de validité du protocole d’accord préélectoral
Désormais, et c’est logique, tous les syndicats, qu’ils soient représentatifs ou pas, ont la faculté de négocier le protocole d’accord préélectoral et de présenter des candidats.
Pour participer à la négociation du protocole d’accord préélectoral, le syndicat doit satisfaire uniquement les critères de respect des valeurs républicaines, d’indépendance, et couvrir le champ géographique et professionnel de l’entreprise ou de l’établissement concerné.
En ce qui concerne le mode de scrutin, la loi n’y a pas apporté de modification. Il s’agit toujours d’un scrutin de liste avec représentation proportionnelle à la plus forte moyenne.
Ce sont, en revanche, les conditions de validité du protocole d’accord préélectoral qui ont été modifiées.
Désormais, la validité du protocole d’accord préélectoral requiert le respect d’une double condition de majorité, c’est-à-dire le respect d’une majorité en nombre d’organisations signataires parmi les organisations invitées à sa négociation, au sein desquelles doivent figurer les organisations syndicales représentatives ayant recueilli la majorité des suffrages exprimés aux dernières élections au comité d’entreprise (ou, quand le résultat n’est pas disponible, la majorité arithmétique des organisations syndicales dans l’entreprise).
Ces dispositions concernent toutes les clauses du protocole d’accord préélectoral, à l’exception de celles relatives à la modification du nombre ou de la composition des collèges électoraux et celles concernant l’organisation de l’élection hors du temps de travail. Dans ces cas-là, l’unanimité est toujours exigée. La loi n’a rien modifié.
Pour conclure
Cet exposé s’est attaché à présenter les nouvelles règles applicables au sein des entreprises.
Pour conclure rapidement, il faut préciser que des règles nouvelles de représentativité ont été créées pour les organisations syndicales au niveau des branches professionnelles et au niveau national interprofessionnel.
Ainsi, au niveau de la branche, un syndicat, pour être représentatif, doit disposer :
— d’une implantation équilibrée au sein de la branche ;
— et il doit recueillir au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des élections des titulaires du comité d’entreprise additionnés au niveau de la branche.
La mesure de l’audience s’effectuera tous les quatre ans.
Au niveau national interprofessionnel, pour être représentative, l’organisation syndicale doit :
— être représentative dans les branches de l’industrie, de la construction, du commerce et des services ;
— obtenir au moins 8 % des suffrages exprimés au premier tour des élections au comité d’entreprise additionnés au niveau des branches.
Comme pour les branches, l’audience syndicale sera mesurée tous les quatre ans.
La première mesure de l’audience dans les branches et au niveau interprofessionnel doit intervenir avant 2013.
Ce système implique la transmission de tous les procès-verbaux des élections des entreprises aux services départementaux du travail.